Compte rendu de la visite du 1er octobre 2016 de la Maladrerie d’Aubervilliers

Cette visite a été organisée par François DANY, membre du conseil d’administration de l’association en collaboration avec Gilles JACQUEMOT architecte et président de l’association “Jardins à tous les étages” et Katherine FIUMANI, architecte. Nous les remercions chaleureusement pour leur accueil et la qualité de leurs commentaires.
Cette utopie urbaine qui propose une vision nouvelle de l’habitat social, c’est-à-dire comment réconcilier l’architecture contemporaine avec la nature, a reçu le label « Patrimoine du XXsiècle ».
À notre demande et avec leur accord, nous diffusons l’article ci-dessous écrit par nos interlocuteurs que nous agrémentons de photos d’Yves DRAUSSIN, architecte, et de François DANY, tous deux membres du Conseil d’administration de l’association.

2016 - 1 octobre - La Maladrerie -

La Maladrerie construite de 1979 à 1988 est un quartier emblématique d’Aubervilliers. C’est un témoin de l’architecture moderne d’après la période des grands ensembles. C’est encore un grand ensemble (900 logements) mais d’un type nouveau, moderne, organique, écologique avant l’heure qui offre aux habitants les avantages de l’habitat collectif – mutualisation des équipements communs et présence de voisinage solidaire – et les avantages de l’habitat individuel – un logement au plan unique pour chaque ménage et présence de jardins dans les étages prolongeant la plupart des logements dans les étages.
L’architecture singulière de ce quartier s’inscrit dans un courant de pensée qui s’est développé au cours des années 60 du  siècle  dernier  et   qui  a  pu  se  concrétiser  à  la  suite  des   événements  sociaux  de   mai-juin  1968  et  l’ouverture des  esprits  consécutive  à   ce   grand   mouvement.   En même  temps  le  quartier  de  la  Maladrerie  avant  l’opération était   composé   de   bicoques   et   bidonvilles   caractéristiques   d’un   quartier   insalubre.   La  solution  architecturale retenue  par  l’architecte Renée  Gailhoustet  et   ses  collaborateurs  (Euvremer,  Fidon)  offrait   aux  futurs   occupants des   logements   sociaux   vastes,   lumineux,   uniques   avec   des   jardins   privatifs.   Au  total  près  de  900  logements sociaux   réalisés  en  8  tranches  de  construction  par  l’OPH  d’Aubervilliers  ont  constitué  ce  quartier  nouveau. Une cinquantaine de logements ont été proposés aux locataires de l’OPH pour accéder à la propriété.
La Maladrerie offre à ce propos l’illustration d’une conception révolutionnaire, qui a été réalisée dans la foulée du mouvement de 68. Elle est en rupture avec le type immeuble de rapport présentant une façade noble sur la rue et dépouillée à l’arrière, sans parties communes ou des parties communes les plus réduites possible, et l’espace public limité réduit à la rue. La rupture est aussi nette avec les tours et barres modernes de logements sociaux où les logements sont simplement empilés les uns sur les autres, les cuisines sur les cuisines, les chambres sur les chambres, … sans surprise.
Si le mouvement moderne à rompu avec la rue, il a préservé pour l’essentiel l’organisation rationalisée de l’empilement des logements.
Renée GAILHOUSTET a prolongé la rupture initiée par le mouvement moderne en concevant des logements panoptiques, uniques, avec prolongement extérieur dans les étages et de vastes espaces communs (circulations abritées en rez-de-chaussée notamment).
L’ambiance des espaces extérieurs résulte de l’originalité des formes architecturales, et aucun espace ne se ressemble, la volumétrie des bâtiments délimite tour à tour des petites cours intérieures, un square circulaire planté de châtaigniers, un grand espace central avec son plan d’eau, une grande pelouse. Les espaces communs au sol ont été densément plantés et parcourus de cheminements multiples, étroites venelles, allées et circulations plus importantes comme la large voie qui traverse le quartier pour donner des lieux différenciés aux promeneurs, enfants, mamans et badauds. Les revêtements des sols participent à la richesse de ces espaces, briques, parpaings et vieux pavés. Un bassin aquatique regorgeant de poissons rouges et couvert de nénuphars et d’iris agrémente un espace central où les manifestations festives se déroulent régulièrement. Les espèces plantés sont presque toutes d’origine, le paysagiste a proposé des haies de charmilles le long des jardins des rez-de-chaussée, leur feuillage à l’automne prend une couleur rousse qu’il conserve tard en hiver. Sur les pelouses des arbres de haute tige se sont développés donnant une allure de parc à ce quartier. Les terrasses-jardins liés aux logements complètent cette biodiversité des rez-de-chaussée avec la terre qui joue un rôle par rapport à la rétention des eaux de pluie, qui renforce l’isolation thermique puisqu’il y a 40 cm de terre, et la protège des chocs thermiques et les végétaux qui apportent oxygène et fraîcheur.
C’est le royaume des animaux : oiseaux, plusieurs dizaines d’espèces ont été repérées, les chats passent d’une terrasses à l’autre et le bassin accueille les poissons mais également les tortues, les grenouilles, les cols verts du parc de la Courneuve et parfois un héron qui malheureusement fait un festin des poissons. Ce quartier résidentiel regroupe également une cinquantaine d’ateliers d’artistes, des équipements publics, un espace culturel (l’espace Renaudie en hommage à Jean Renaudie l’architecte visionnaire créateur de ce type d’architecture), une médiathèque, une halte-jeux, un centre de loisirs, et des commerces en périphérie avec quelques activités tertiaires (Régie de quartier, infirmières, médecin, kinésithérapeute et architectes). Depuis son origine un tissu associatif dense s’est constitué. Associations de locataires (CNL), associations environnementales (Jardins à Tous les Etages, Régie), associations culturelles et sociales (Angi, Régie, Malabyrinthe) multiples. Des manifestations diverses s’y déroulent depuis l’origine du quartier. Portes ouvertes des ateliers d’artistes, fêtes de quartier, Nuits blanches, répétitions d’orchestres, bourses aux plantes, vide-grenier, repas de quartier, etc. ont ponctué l’histoire de la Maladrerie. C’est un quartier vivant, jeune par sa population qui se renouvelle régulièrement, qui garde ses traditions, tissées aux cours des années, traditions de solidarité, d’accueil, de conscience écologique et de volonté de défense d’un patrimoine considéré comme exceptionnel par ses habitants. Habiter la Maladrerie, c’est vivre au sein d’un site conçu pour réconcilier l’architecture contemporaine avec la nature. Labellisé patrimoine du XXème siècle, ce quartier exceptionnel est un parc dans Aubervilliers. Grâce à ses jardins en étages (terrasses plantées privatives) et ses espaces publics végétalisés, il est un poumon de la ville. Cette abondance de végétation, amène une biodiversité dans ce quartier, caractère rare en première ceinture de la banlieue parisienne. Renée GAILHOUSTET en réalisant ce projet ambitieux, a créé un écoquartier avant l’heure, ciblé sur le développement durable et une meilleure qualité de vie apaisant un milieu urbain bétonné et surpeuplé. La Maladrerie a fait l’objet de nombreuses études et de sujet de diplômes d’architectes et d’urbanistes, qui est régulièrement visité par les Ecoles d’Architectures (étudiants et enseignants), par des délégations étrangères (chinois, américains, allemands, russes, polonais, etc.), par les Balades Urbaines, par le syndicat d’initiatives de Plaine Commune, par le Centre Beaubourg.

Auteurs du texte :  Gilles JACQUEMOT et Katherine FIUMANI (©) – Mise en page sur le site par Liliane GEX – photos de François DANY et d’Yves DRAUSSIN, membres du Conseil d’administration de l’association (©)